Nüshu - Le langage secret des Chinoises

Pendant des siècles, les Chinoises ont été corsetées par une société patriarcale particulièrement autoritaire. Contraintes de se bander les pieds et condamnées à vivre enfermées dans leur foyer, elles n’avaient pas le droit d'apprendre à lire ni à écrire. Pour ne pas succomber au désespoir, elles ont réussi à transgresser les interdits (dont celui de se plaindre) pour communiquer entre elles grâce à une langue secrète, le nüshu. Cette version réarrangée d’un dialecte local était composée de près de sept cents graphèmes, parfois librement inspirés de caractères chinois classiques, mais souvent entièrement inventés. Les poèmes et les chansons que ces dissidentes du quotidien écrivaient sur des mouchoirs ou des éventails avec des cendres – tracés avec tant de finesse qu’on a parlé d’”écriture des fourmis” – traduisaient leurs sentiments et leurs pensées de manière poétique. Ainsi codés et transmis de génération en génération, leurs messages n’étaient lisibles que pour leurs "sœurs" initiées, leur permettant d'exprimer espoirs et solidarité et de ne pas perdre courage dans des existences difficiles. Mais quelle place le nüshu peut-il garder au XXIe siècle ? 
 
Enjeux culturels donc politiques 
Dans ce documentaire sensible, Violet Du Feng, née à Shanghai, met au jour l’énergie rebelle du nüshu et son influence aujourd'hui. La réalisatrice suit le quotidien de Xin et Simu, deux jeunes femmes qui tentent de perpétuer chacune à leur manière l’esprit original de l’“écriture féminine”, l’une en tant que guide et porteuse de mémoire, l’autre comme artiste calligraphe. Le film montre aussi comment le nüshu reçoit depuis peu les faveurs des pouvoirs publics et de leurs représentants masculins, qui entendent exploiter son potentiel culturel pour servir des intérêts politiques et commerciaux. Mais quid de ceux des femmes ? Violet Feng porte un regard sur le patriarcat contemporain chinois, ses deux protagonistes ayant subi ou subissant encore la domination et la violence de leur compagnon, sans pouvoir par ailleurs échapper au poids des traditions familiales.