"Disintegration" - Un album. Un groupe. Une génération

Rock star à la silhouette-signature, Robert Smith mène depuis bientôt cinquante ans The Cure dans une traversée pop de la marginalité. Univers sonore unique infusé de post-punk, entre chansons dark wave et succès plus mainstream, comme "Friday I'm In Love", "Love Cats" ou "Lullaby", le groupe britannique à l’envoûtante mélancolie occupe une place à part dans la galaxie rock. En 1989, Disintegration, son huitième et tourmenté album studio, peut-être le plus audacieux, marque un tournant, lui valant un succès planétaire – 4 millions d’exemplaires vendus. Car ce disque, souvent considéré comme un chef-d’œuvre, percute avec justesse un monde qui bascule avec l’effondrement du bloc de l’Est.

"Icônes de la différence"
En revisitant l'histoire de Disintegration avec l’éclairage d'amis et de compagnons de route de Cure – dont son ex-manager Chris Parry ou l'ex-bassiste Phil Thornalley –, ce documentaire explore l'un des phénomènes les plus singuliers de la pop. Le film donne aussi la parole aux fans, qui ont toujours entretenu une relation intime avec leurs idoles. Car, pour le journaliste musical et auteur britannique Simon Price, "The Cure leur a fourni des icônes de la différence, encourageant les gens à s'assumer." En cette fin des années 1980, c’est aussi dans cet esprit que ses membres sont vénérés derrière le rideau de fer, où le groupe fédère des légions d’adolescents enthousiastes, qui adoptent leur look. Selon Sandro Standhaft, qui a grandi en RDA, "ce 'masque' offrait une possibilité de se soustraire aux contraintes du système, tout en le provoquant". Quand celui-ci s'effondre, The Cure est au sommet, Disintegration marquant l'apogée de sa carrière. À l’heure où son dernier album, Songs of a Lost World, plébiscité par la critique, renoue avec cette profonde veine noire, un passionnant retour sur le parcours d'un groupe dont le style et l'obstination continuent d'inspirer.