Dreamers - Une vie dans l'ombre

"Dreamers" : c'est ainsi que l’on surnomme ces personnes, principalement originaires du Mexique, du Salvador, du Guatemala et du Honduras, entrées encore enfants sur le territoire des États-Unis. Si elles bénéficient d’abord d’un titre de séjour provisoire, elles redeviennent, à 18 ans révolus, des immigrés illégaux. Ils seraient quelque 2,5 millions dans le pays à mener cette vie aux marges du rêve américain. Carlos est l'un d'entre eux : à 9 ans, avec ses trois frères et ses parents, il est arrivé illégalement du Mexique à Chicago, où était déjà installée sa famille maternelle. "Trente ans qu’on habite Chicago, mais on ne sort pas de l’Illinois. On a parfois l’impression d’être en prison", explique amèrement Carlos, qui a dû renoncer, faute de papiers, à une bourse d’études et à une carrière de footballeur. L’aîné de la fratrie, Jorge, alors tout juste majeur, a été expulsé voilà quinze ans, après un contrôle routier. Un déchirement : il vit désormais seul au Mexique, loin de ceux qui lui sont chers – notamment de son fils, qu’il n’a jamais connu, citoyen américain par droit du sol. Le troisième frère, Jésus, vit reclus et ne sort de chez lui que pour faire ses courses, terrifié d’être arrêté par la police et expulsé à son tour. Quant à Julio, le petit dernier, il a eu la chance d’acquérir par mariage la nationalité tant convoitée. À 38 ans, Carlos, lui, va bientôt devenir père. Mais quel avenir offrir à son enfant dans un pays qui juge ses parents indésirables ? 
 
Citoyens modèles 
Partir ou rester ? Pour Carlos et les siens, Américains de l’ombre n'aspirant qu’à s’intégrer, la discrétion est une seconde nature ; le déclassement, un quotidien. Au point où le retour au Mexique, auprès de ce frère déraciné, semble parfois une option plus enviable… Dans un noir et blanc cru, Stéphanie Barbey et Luc Peter ont suivi cette famille pendant plus de deux ans pour porter le témoignage de la vie des marges, faite de boulots au noir, de combines et d’entraide, que mènent ces hommes et ces femmes – pourtant citoyens modèles pour leur ténacité et leur résilience – à qui le pays n’accorde d’autre droit que celui de rêver.