Nous étions de ceux-là

Par un hublot de l’ISS, l’astronaute allemand Alexander Gerst ne se lasse pas de contempler la Terre : "Cette petite planète bleue est le seul endroit où les hommes peuvent vivre, la seule que l’on connaisse dans l’Univers où la vie humaine est possible." Glissant dans les profondeurs bleutées parmi un majestueux banc de poissons, l’océanographe américaine Sylvia Earle l’assure : "Ce sont les océans qui rendent la Terre habitable pour les êtres vivants, nous y compris." En combinaison étanche, la philosophe autrichienne Janina Loh, spécialiste de l’éthique de la technologie, du trans- et du posthumanisme, arpente les rues figées de Fukushima : "Si on me demandait comment j’imagine notre société dans cent ans, je dirais sans doute que j’espère que nous aurons réussi à abolir les frontières entre les espèces." Filmé lors de l’une ses conférences, l’économiste américano-allemand Dennis Snower, président de l’ONG Global Solutions Initiative, appelle de ses vœux une coopération mondiale : "Si nous coopérons, notre avenir commun sera radieux. Sinon, nous serons confrontés à une multitude de problèmes très graves", prévient-il, énumérant une litanie de tragédies. S’alarmant de la montée des eaux qui, avec le changement climatique, grignote l’île de Dionewar, l’économiste sénégalais Felwine Sarr appelle à un changement de paradigme, relevant que "l’Afrique, c’est 4 % des émissions de gaz à effet de serre. Si la Chine et les États-Unis modifient leur comportement, là, ça change radicalement". Prenant de la hauteur sur les sommets himalayens, le moine bouddhiste Matthieu Ricard veut croire à un possible : "Si des individus changent pour être plus libres – non pas libres de faire des choses insensées, mais affranchis des schémas comportementaux habituels –, et s’ils atteignent une masse critique, ils peuvent provoquer une mutation culturelle et changer les institutions."

Visions de l’avenir
Effondrement des écosystèmes, phénomènes météorologiques extrêmes, déforestation, pénuries d’eau, crises sanitaires et alimentaires, migrations massives subies… Courons-nous irrémédiablement à notre perte ? Saurons-nous préserver la vie sur Terre, les merveilles, connues et inconnues, du monde vivant et inanimé qui nous entoure ? Serons-nous de ceux qui, par leurs choix et leurs actes, auront pu infléchir la course funeste dans laquelle nous sommes lancés ? Inspiré par le livre Wer wir waren ("Qui nous étions", non traduit en français) de Roger Willemsen (1955-2016), Marc Bauder invite six personnalités du domaine des sciences et de la philosophie à se pencher sur l'état actuel de la planète et à partager leur vision de l’avenir pour que les générations futures n’aient pas à désespérer de nous. Un vibrant plaidoyer pour une prise de conscience encore plus aigüe et un activisme qui ne doit plus attendre... à condition de les écouter.