ARTE ReportageSénégal / Haïti
Depuis l'annonce par le président du Sénégal, Macky Sall, du report de l’élection présidentielle, le pays connaît une crise politique sans précédent. La jeunesse est en première ligne pour défendre la démocratie / Miné par la violence des gangs, Haïti n’en finit plus de sombrer dans le chaos et la terreur.
Sénégal : chronique d’un chaos annoncé
Le 3 février 2024, le président du Sénégal, Macky Sall, annonce le report de l’élection présidentielle. C’est un séisme dans le pays : jamais une élection n’a été reportée depuis 1963. Dénonçant un “coup d’État constitutionnel”, des milliers de Sénégalais descendent dans la rue crier leur colère. Quatre étudiants seront tués lors de violentes manifestations. Ce mouvement de révolte n’est que le dernier épisode d’une crise politique qui couve dans le pays depuis trois ans. Les méthodes anti-démocratiques du pouvoir ne sont pas nouvelles. Chez les opposants et les défenseurs de la démocratie, l’inquiétude gronde de voir Macky Sall rester au pouvoir. Ils sont jeunes, banlieusards et bien décidés à se battre pour leurs droits, à défendre leur démocratie et faire élire le président du peuple. À 36 ans, Falla Fleur est une star des réseaux sociaux. Arrêtée et emprisonnée pendant cinq mois pour avoir posté des messages de soutien à l’opposition sur les réseaux sociaux, elle lutte pour faire libérer tous les détenus dits “politiques”. Khadim Diakhate est journaliste d’investigation. Il s’est donné pour mission d’éclaircir les circonstances de la mort des martyrs de la répression. Olivier Mendy est un jeune rappeur de Guédiawaye, l’une des banlieues les plus pauvres de Dakar. Dans ce fief de la contestation, lui et ses amis sont au chômage et survivent grâce aux petits trafics illégaux. Le hip-hop est pour eux un exutoire et une arme militante.
Haïti : les mots contre les balles
Naufragée dans une tempête de violence, la nation haïtienne sombre. À l’ordre défaillant de l’État s’est substitué l’impitoyable règne des gangs. Les lynchages publics se multiplient de la part d’une population déboussolée par la disparition de l’État de droit. Dans ce marasme généralisé, une jeunesse littéraire résiste. Litainé Laguerre, jeune poète, nous fait le récit d’un pays qui va mal mais qui continue à espérer. « L’espoir, c’est savoir que demain existe » nous dit-il. Au sud de Port-au-Prince, de jeunes bandits, inféodés au plus grand gang régional, tuent policiers et civils pour un coin de rue et la possibilité d’établir demain une station de racket qui appauvrira plus encore une population esseulée par trois années d’effondrement institutionnel. Face à eux, des policiers réguliers et d’autres gangs, formés justement par des membres des forces de l’ordre, n’hésitant pas eux aussi à racketter les citoyens. Pris au piège d’une police aussi prédatrice que les bandits qu’elle combat, la population n’a d’autre choix que de fuir ou de basculer, elle même dans la guerre. Certains dans le peuple sont résolus à faire justice eux-mêmes. Chaque jour, des enfants croisent dans la rue des corps calcines. Lapidés, brûlés vifs après des jugements express, ces présumés membres de gangs ou petits voleurs paient pour les autres. Malgré toute cette violence, la jeunesse intellectuelle refuse de quitter Haïti. Elle résiste par les mots et invente une prose venue des tréfonds des bidonvilles. Eux que jamais le gouvernement n’a daigné protéger, eux qui vivent la peur au ventre et « avec la balle », cette balle perdue qui chaque jour peut les atteindre veulent croire que les temps présents ne sont qu’une mauvaise passe.
Pays
France
Année
2024