Karl Schmidt-Rottluff, peintre expressionniste et rebelle

Né en 1884 dans une famille modeste de Rottluff (nom qu’il accola plus tard à son patronyme), dans l’est de l’Allemagne, Karl Schmidt-Rottluff étudie l’architecture à Dresde. Peintre, graveur et sculpteur, il fonde en 1905 avec ses camarades Fritz Bleyl, Erich Heckel et Ernst Ludwig Kirchner le collectif d’art Die Brücke ("Le Pont"), animé par la volonté de rompre avec l’académisme et les valeurs conservatrices de l’Empire allemand. Particulièrement inspiré par le fauvisme français, le jeune artiste peint des paysages sensoriels aux couleurs vives et acides. Privilégiant l'expression subjective à la représentation réaliste, il cherche ainsi à traduire l’intensité et la variété des émotions humaines. Trois années passées au front le marquent profondément : il se tourne alors brièvement vers un art plus figuratif, intégrant des figures religieuses dans ses peintures et sculptures. Après avoir démissionné de l’Académie prussienne des arts en 1933, il est classé au rang des "artistes dégénérés" par le régime nazi et fait l’objet d’une interdiction totale d’exposer. Schmidt-Rottluff, contraint de créer uniquement en secret, doit attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour retrouver la reconnaissance publique, avec une grande exposition organisée à Chemnitz en 1946. Un an plus tard, il devient professeur à l’Académie des beaux-arts de Berlin. 
 
Pureté chromatique 
Porté par les témoignages d’historiens de l’art, de conservateurs de musée et d’un psychologue de la couleur, ce documentaire rigoureux met en lumière l’un des pionniers de l’expressionnisme allemand, dont l’œuvre s’imprègne d’une puissante liberté artistique. Plus encore que ses camarades de Die Brücke, Karl Schmidt-Rottluff révolutionne l’usage de la couleur et flirte avec l’abstraction, préfigurant bien avant l’heure la quête de pureté chromatique d’artistes comme Yves Klein. Véritable tour d’horizon des lieux qui ont forgé son univers, ce voyage nous mène de Dresde à Berlin en passant par les côtes de la mer Baltique, où il fit plusieurs retraites créatives, et par le port méditerranéen de Collioure, qui fut une source d’inspiration pour le fauvisme. Nourri d’images d’archives inédites, le documentaire présente les gravures, aquarelles et peintures à l’huile les plus emblématiques de ce rebelle du pinceau, qui fut à l’initiative de la création du Brücke-Museum, inauguré en 1967 à Berlin, auquel il fit don de nombreuses œuvres de son vivant.