Trois mondes

Jeune loup au sourire irrésistible, Al a gravi les échelons de l’entreprise de vente de voitures qui employait jadis sa mère comme femme de ménage. Dans dix jours, il épousera la fille du patron. Celui-ci le considère comme un fils et lui a déjà cédé la direction de ce garage prospère – à condition que Al s’accommode de petites malversations. Mais l’enterrement de vie de garçon du futur marié dérape. Ivre mort au volant d’une Mercedes, Al renverse un homme et prend la fuite, encouragé par ses amis d’enfance (qui sont aussi ses collègues). À sa fenêtre, une étudiante en médecine a tout vu. Enceinte et en plein questionnement – elle hésite à partager la vie du père du bébé –, Juliette est obsédée par ce drame. Elle entre en contact avec Vera, la compagne de l’homme accidenté, une jeune Moldave sans-papiers, dévastée et furieuse. Juliette parvient aussi à retrouver Al, rongé par le remords, qui refuse néanmoins de se dénoncer pour préserver le fragile édifice qu’il a construit.

Le prix de la vie d’un homme
Trois personnages qui n’auraient jamais dû se rencontrer incarnent chacun un "monde" : un secteur automobile cynique mais vecteur d’ascension sociale pour Al ; le milieu bobo parisien idéaliste mais coupé des réalités pour Juliette ; celui des sans-papiers dont la survie dépend de la lutte pour Vera. La force du film de Catherine Corsini consiste à dépasser ces stéréotypes, chaque personnage sortant de sa zone de confort et révélant sa part d’humanité, de courage, de lâcheté ou d’indignation au fil de cette confrontation. Mais son intérêt réside aussi dans sa tension permanente, magistralement portée par Raphaël Personnaz, touchant fautif au jeu nerveux et à l’aura hitchcockienne, face à deux partenaires talentueuses : Clotilde Hesme et Arta Dobroshi (Le silence de Lorna). Taraudé par des questions philosophiques (jusqu'où peut-on aider quelqu’un ? quel est le prix de la vie d’un homme ?), un saisissant thriller moral.