Le bon et les méchants

Au mitan des années 1930, deux voyous à la petite semaine, Jacques et Simon, donnent un nouvel élan à leur carrière grâce à la sortie de la Citroën Traction Avant, imbattable pour semer les véhicules de police. Dans le viseur de l’ambitieux inspecteur Deschamps, tout juste marié à la jeune Dominique, les deux compères intègrent à leurs entreprises Lola, une prostituée dont Jacques est tombé amoureux. Mais bientôt, la guerre éclate. Ayant intercepté sur un quai de gare une cargaison d’œuvres d’art volées à des familles juives, le trio se retrouve à nouveau poursuivi par Deschamps, passé au service des nazis…

Héros ambigus
Brassant des thèmes chers à son cinéma (l’amour, l’amitié, les voyous, les voitures…), Claude Lelouch signe un film singulier, tout en virages et retournements. Dans les pas de son sympathique trio d’escrocs (les formidables Marlène Jobert, Jacques Dutronc et Jacques Villeret), le réalisateur nous entraîne dans une comédie policière pleine de rebondissements, bientôt rattrapée par les événements. Si le récit ne délaisse jamais l’humour ni l’aventure, le contexte historique lui donne une tournure résolument plus sombre, entre délations, spoliations et éprouvantes scènes de torture. De Vichy à Paris, dans une France en sépia où les voyous ont pris le pouvoir – à l’instar des recrues de la Gestapo française de la rue Lauriston, dirigée par Pierre Bonny, le flic déchu, et Henri Lafont –, Lelouch met subtilement en scène les ambiguïtés de la période. Si Jacques soutient la Résistance, c’est à la fois par opportunisme, esprit de vengeance et élan de conscience, tandis que l’inspecteur Deschamps (fascinant Bruno Crémer) sert l’État jusqu’au fourvoiement. Par un improbable concours de circonstances, tous deux seront décorés à la Libération, dans un finale d’un irrésistible mordant.