Le sculpteur Eduardo ChillidaLutter contre la gravité

Pinces d’acier rouillé accrochées, comme en équilibre, sur les récifs de sa ville natale Saint-Sébastien, ses fameux Peignes du vent gardent la ligne bleue entre ciel et mer. Partout dans le monde, ses œuvres monumentales aux formes abstraites et aux titres poétiques – Éloge de l'horizon, Lieu de rencontres, Une maison pour Goethe… – invitent au partage de l’espace et à la contemplation de la lumière. "Mes sculptures, énonçait Eduardo Chillida, sont le résultat d’une équation où les nombres sont remplacés par les éléments." Enfant, sur les quais de la cité basque, ce fils d’un militaire et d’une soprano rêve de voyages imaginaires à travers les fenêtres du fier Hotel Niza, propriété de sa famille. Contraint de renoncer à une carrière de gardien de but de football après une blessure au genou, il choisit l’architecture, qui infusera ses œuvres. Dès 1956, la galerie Maeght lui consacre une exposition personnelle. Du fer au béton et de l’albâtre au granit, Eduardo Chillida, soutenu par son épouse Pilar, veut investir l’espace public pour rendre l’art accessible à tous, comme avec sa sculpture Berlin – 80 tonnes d’acier –, qui célèbre la réunification de la capitale allemande. Mais cet homme élégant, auteur de créations colossales, aime aussi alterner avec la fragilité du papier, coupé-collé dans de délicats petits formats, sa "musique de chambre", dit-il...  

Rebelle à la pesanteur 
À l’occasion du centenaire de sa naissance, ce portrait documentaire plonge dans le parcours artistique d’Eduardo Chillida, du parc de Chillida Leku, au Pays basque, à Minorque, où la Méditerranée l’inspirait l’été, en passant par le sanctuaire d’Arantzazu. Héritiers dédiés à son legs, Susanna et Luis Chillida, ses enfants, et son petit-fils Mikel croisent leur regard aimant avec celui de l’historienne de l’art Miriam Alzuri pour retracer la quête infinie de ce sculpteur aux œuvres en suspension : "Je me rebelle contre Newton et la pesanteur, affirmait-il, même si je sais que c’est impossible."