Nos soleils

Depuis des générations, les Solé cultivent d’immenses vergers à Alcarràs, petit village de Catalogne dans le piémont pyrénéen. Mais le décès du propriétaire des terres fait basculer leur existence. Pour le grand-père octogénaire, les contrats ne se scellent pas devant notaire : c’est au nom d’une dette et d’une amitié indéfectible que son père s’était installé là jadis avec les siens, après avoir sauvé la vie de celui qui vient de mourir, poursuivi par les franquistes. L’héritier des terres, qui ne se sent pas tenu par ces engagements anciens, entend abattre les pêchers pour installer à leur place des panneaux solaires, bien plus lucratifs. Dans une tension grandissante, la tribu des Solé entame ce qui sera peut-être sa dernière saison de récolte.
 
Liens brisés
Feuillages bruissants et jeux d’enfants : le film s’ouvre sur l’évocation d’une félicité intemporelle que vient menacer la brutalité d’une modernisation à marche forcée. Tourné dans la plaine d’Alcarràs, le deuxième long métrage de Carla Simón a décroché l’Ours d’or à Berlin 2022, cinq ans après Été 93, son premier, couronné par celui d’argent. En tirant le fil du lien ancestral à la terre, en passe d’être rompu, cette chronique familiale puissante, incarnée par des acteurs catalans non professionnels, repose sur un portrait de groupe à la fois brut et subtilement dessiné. Avec un style ancré dans le documentaire (caméra à l’épaule, authenticité du jeu) et un grand art du récit, la réalisatrice révèle peu à peu l’intimité complexe de ses personnages, sur la toile de fond d’un enjeu désormais brûlant : l’usage des terres agricoles.