Jusqu'au bout de la nuit

Dans une ville allemande de province, Robert, flic homosexuel, est chargé d’infiltrer le milieu des stups grâce à Leni, son ex-amant devenu femme trans. Purgeant une peine de prison après avoir vendu de la drogue pour financer sa chirurgie de réassignation sexuelle, Leni vient d’être libérée à la seule condition de présenter le policier à l’une de ses anciennes connaissances, Victor Arth. Ancien DJ, cet insaisissable dealer a monté une plate-forme de trafic à grande échelle sur le darknet. Pour mieux l’approcher, Robert et Leni s’inscrivent à un cours de cha-cha-cha fréquenté par Arth et sa compagne. Des liens se tissent entre les deux couples. Mais si l’enquête pour confondre le dealer progresse, Robert est consumé par son amour impossible...

Confusion des rôles
Derrière les codes du polar – agent infiltré, trafiquant inquiétant, nuits urbaines baignées d’un bleu glacial, écoutes et filatures –, ce thriller à l’intrigue habilement ficelée se laisse peu à peu envahir par l’histoire d’amour complexe entre ses deux héros. Car en prétendant jouer le couple parfait, le détective à la mèche grunge, qui ne refuse pas un rail de coke occasionnel, et l’ex-détenue, devenue sa couverture, rêvant de robes affriolantes, finissent par se perdre dans une confusion des rôles et des sentiments. Submergé par des émotions contradictoires, sa passion pour Leni étant assombrie par son incapacité à accepter sa nouvelle identité, Robert la blesse quand il voudrait la sauver. À fleur de peau, Leni aspire à la sincérité, mais tentée par la fuite, elle chérit plus encore sa liberté retrouvée. Soumis à la pression de sa hiérarchie, le policier tourmenté est aussi déchiré entre l’exigence de son métier et son amitié naissante pour Arth qui, étrangement, les comprend, lui et Leni. Héritier de Rainer Werner Fassbinder, Christoph Hochhäusler, dont la formation d’architecte imprime la mise en scène élégamment structurée, signe un beau mélo queer sur les vertiges et la tragédie du désir, porté par un intense duo de comédiens, Timocin Ziegler et l’actrice autrichienne trans Thea Ehre, couronnée d’un Ours d’argent à la Berlinale 2023.