Rabiye Kurnaz contre George W. Bush

Brême, octobre 2001. En voulant tirer du lit Murat, son aîné de 19 ans, Rabiye Kurnaz découvre une chambre vide. Le jeune homme vient de s'envoler pour Karachi, poussé par l'imam de la mosquée qu'il s'est récemment mis à fréquenter avec assiduité. Pour la mère au foyer, immigrée turque qui n'aspire qu'à s'intégrer à la société allemande, ce départ, pour une cause qu'elle n'ose imaginer au lendemain du 11-Septembre, est un drame personnel. Quand Rabiye apprend, après plusieurs mois sans nouvelles, que son fils a été fait prisonnier à Karachi puis transféré dans une base américaine à l'autre bout du monde – du nom de Guantánamo –, elle débarque, démunie, dans le bureau du premier avocat débusqué dans l'annuaire. Ce dernier accepte aussitôt de prendre gracieusement la défense de Murat. C'est le début d'un combat judiciaire de plusieurs années qui verra les États allemand, turc et américain se renvoyer la balle… et mènera cette mère modeste mais pugnace, convaincue de l'innocence de son fils, jusqu'à la Cour suprême des États-Unis.

Exubérance
Pour raconter l'histoire vraie de Murat Kurnaz, emprisonné à Guantánamo sans preuve et sans jugement, et victime comme des centaines de ses codétenus de tortures et d'un flagrant déni de justice, le réalisateur Andreas Dresen (Le temps des rêves, Les trois vies de Gundermann) choisit une porte d'entrée inattendue mais convaincante : la comédie. L'actrice d'origine turque Meltem Kaptan est épatante dans la peau de cette battante, dont le culot et l'exubérance méditerranéenne tranchent avec la sobriété toute germanique de l'avocat Bernhard Docke. En suivant sur cinq années les péripéties juridiques de ce duo drôlement assorti, on découvre les aberrations et les scandales qui émaillent le dossier – et dont l'Amérique de Bush n'est pas seule coupable : citoyen turc, Murat aura en effet reçu un soutien plus que tiède du gouvernement allemand, peu pressé de le voir revenir sur son sol.