ARTE ReportageSpécial Inde

52 min

Disponible jusqu'au 03/06/2024

  • Version française

Une édition entièrement consacrée à l'Inde, avec trois reportages : la purge contre les intellectuels orchestrée par le régime ; l’inauguration d’un gigantesque temple hindou, qui signe le virage nationaliste de Narendra Modi ; l’industrie du diamant, victime collatérale des sanctions occidentales contre Moscou.

La grande purge des intellectuels
En Inde, depuis dix ans, le pouvoir nationaliste hindou incarné par le premier ministre Narendra Modi mène une guerre sans relâche contre les intellectuels du pays. Intimidation, menaces, procès, arrestations… Un climat de terreur s’abat sur les universitaires, écrivains, journalistes, activistes et artistes indiens. Les méthodes s’assimilent à celles pratiquées en Turquie, en Russie ou encore en Chine. Les agences gouvernementales sont largement mises à contribution : ED, CBI, NIA, IB, RAW… Derrière ces acronymes se cachent le fisc indien et les agences de renseignements qui mènent régulièrement des raids contre les minorités religieuses, les académiciens, les défenseurs de la laïcité, les ONG et tout ce que le pays compte d’opposants à l’idéologie suprémaciste des extrémistes hindous. Le gouvernement s’appuie sur des lois antiterroristes, utilisées pour enfermer, sans procès et pour une durée indéterminée, ceux que les autorités qualifient "d’ennemis de l’intérieur". Une grande purge dont l’unique but est de mettre au pas une société civile indienne jugée incompatible avec le projet politique du gouvernement : transformer l’Inde laïque et multiconfessionnelle, héritée de Gandhi et de Nehru, en une nation où l’hindouisme serait la religion principale au détriment des chrétiens et des musulmans.

Le temple de la discorde
Le 22 janvier 2024, quelques mois avant l’échéance électorale, le premier ministre indien Narendra Modi a inauguré un immense temple hindou, le Ram Mandir, dédié à Shri Rama, divinité principale de l’hindouisme. Un temple érigé sur les ruines d’une mosquée détruite par les extrémistes hindous en 1992. Jamais un premier ministre indien ne s’était ainsi mis en scène à des fins politiques et religieuses. Cet imposant temple controversé, bâti dans la ville d’Ayodhya, située dans l’État de l’Uttar Pradesh, dans le nord du pays, était le rêve des extrémistes hindous depuis près d’un siècle. C’est aussi le dernier chapitre d’un conflit religieux entre musulmans et hindous. 
Pendant des décennies, les nationalistes hindous ont réclamé la construction d’un temple, en lieu et place de la mosquée de Babri datant du XVIe siècle, affirmant que celle-ci avait été érigée sur les ruines d’une ancienne structure hindoue. Le 6 décembre 1992, 150 000 hindouistes ont pris les armes, encouragés par le BJP - l’actuel parti politique de Narendra Modi -, ainsi que par plusieurs organisations fondamentalistes au nom d’une idéologie suprémaciste, "l’hindutva", partisane d’une Inde faite par et pour la majorité hindoue, au détriment des minorités religieuses. La destruction de la mosquée a embrasé le pays, faisant 2 000 morts en quelques semaines.  Pendant 30 ans, l’épisode d’Ayodhya, tache indélébile dans l’histoire récente de l’Inde, va hanter le pays et s’inviter régulièrement dans le débat public. Pendant 30 ans, les militants hindouistes vont mener une bataille judiciaire pour reprendre le terrain et construire un nouveau temple, contre la minorité musulmane. En 2019, la Cour suprême leur donne raison, permettant au premier ministre de lancer le projet le plus important de sa carrière politique, au service de sa campagne de réélection.

Les diamantaires maudits
Les combats se déroulent à 5 000 kilomètres du sous-continent et pourtant, l’impact de la guerre en Ukraine se fait sentir jusqu’à Surat, dans l’ouest de l’Inde. La capitale mondiale de la taille et du polissage des diamants est l’une des dernières victimes collatérales des folies du Kremlin. Connue pour tailler 90 % des diamants en circulation dans le monde, cette ville de l’État du Gujarat, à la frontière avec le Pakistan, souffre des sanctions imposées par les Occidentaux sur l’achat de diamants en provenance de Moscou, le plus gros extracteur de diamants de la planète. Longtemps, la Russie a été le premier partenaire de Surat. Avant la guerre, 95 % des diamants russes étaient polis en Inde. Désormais, ils arrivent au compte-gouttes. Plus de 30 000 emplois ont été supprimés depuis le début des sanctions et des milliers d’autres sont désormais menacés dans une industrie qui emploie près d’un million de personnes. Au-delà du cas de Surat, c’est toute la filière indienne qui est touchée : les exportations ont chuté de 30 % en un an, pour une perte estimée à 800 millions de dollars. Pour les milliers de traders qui ont pignon sur rue, loupe collée à la pupille au marché de Surat, c’est un coup dur. Beaucoup ont dû fermer boutique ou ont vu leur chiffre d’affaires s’effondrer. Et pour les entreprises de diamantaires, il a fallu soit licencier, soit réduire le temps de travail des employés. Les salaires baissent, et de nombreuses familles de la région se retrouvent en grande difficulté financière. New Delhi, allié historique de la Russie et partenaire de l’Occident, ne trouvera pas de porte de sortie de sitôt. Si l’Inde n’impose aucune sanction à Moscou, la suspension des banques russes du réseau interbancaire Swift complique l’achat de pierres. Et à ces problèmes de paiement s’ajoutent ceux de l’approvisionnement : les États-Unis et le Royaume-Uni ont renoncé à l’achat de diamants russes et lors du dernier sommet du G7 au Japon, les autres pays membres ont annoncé réfléchir, eux aussi, à de nouvelles mesures contre Moscou dans le domaine. Face à cette pénurie de pierres, Surat met l’accélérateur sur la production de diamants de synthèse, débutée depuis quelques années. Dans la région, plus de 4 000 réacteurs nécessaires à la fabrication de ces pierres de laboratoires fonctionneraient. À l’intérieur de ces machines, des poussières de diamants grossissent jusqu’à donner la pierre idéale. Plus éthiques, plus écologiques et moins chères que les diamants naturels, ces gemmes de synthèse ont le vent en poupe chez les acheteurs et les bijoutiers car à l’œil nu, rien ne distingue un diamant de synthèse d’un véritable diamant naturel. L’Inde, deuxième plus grand producteur de diamants de laboratoire derrière la Chine, parie aujourd’hui sur leur développement. Une manière douce de polir sa réputation… et d’absorber la crise des diamants russe.

Pays

France

Année

2020

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