Claudio Monteverdi : Les Vêpres de la ViergeFestival de Schwetzingen 2024

Il y a cinquante ans, seuls de rares spécialistes connaissaient les "Vêpres de la Vierge" de Monteverdi. Les choses ont bien changé et il est aujourd’hui difficile de passer à côté de cette œuvre lorsque l’on suit une formation musicale digne de ce nom. Les "Vêpres" n’en restent pas moins une partition énigmatique qui place ses exégètes et ses interprètes face à un insoluble dilemme. Faut-il y voir une pièce de concert ou une célébration liturgique ?

Opter pour une exécution dans un lieu de culte revient à renouer avec les origines liturgiques de cette musique. La Fonte Musica a ainsi choisi des antiennes du corpus marial. Si "Laeva eius" et "Quae est ista" sont spécifiques à la fête de l’Assomption, d’autres conviennent à toutes les célébrations dédiées à la Vierge. Les concertos restent évidemment au programme, bien qu’ils ne fassent pas partie de la liturgie au sens strict. Monteverdi a dédié sa partition au pape Paul V et s’est rendu spécialement à Rome pour la lui remettre lors d’une audience.

Non content d’embrasser toute la complexité de la messe polyphonique traditionnelle et d’explorer différentes manières – anciennes et nouvelles – de traiter les psaumes, entre polyphonie, déclamation en falsobordone et passages virtuoses, ce recueil comprend également des concertos à une, deux ou trois voix résolument en avance sur leur temps et un magnificat regorgeant d’idées nouvelles. Une diversité musicale qui, pour parler en termes actuels, ferait presque penser au dossier de candidature d’un auteur énumérant toutes ses capacités sans en oublier une. La technique du cantus firmus, autrement dit la composition d’un chant mélodiquement simple à partir d’un matériau choral préexistant, constitue le fil conducteur de ce florilège de modes d’écriture et d’effectifs. Monteverdi avait mis un point d’honneur à démontrer toute l’étendue des possibilités offertes par cette méthode d’écriture très ancienne.

Aujourd’hui, se demander si les "Vêpres de la Vierge" ont été conçues ou non comme un recueil liturgique n’a guère plus de pertinence que d’interroger la finalité de la Messe en si de Bach, autre monument de la musique sacrée occidentale. Car au bout du compte, ce qui reste, c’est une musique qui pourrait difficilement être plus complexe, plus réfléchie et plus somptueuse et qui s’adresse directement l’auditeur.

Filmé le 2 mai 2024 dans la cathédrale de Worms, Allemagne.