Chantage

Après une journée de travail mouvementée à Scotland Yard, Frank, policier novice, passe la soirée au restaurant avec sa fiancée, la charmante et frivole Alice. Mais une dispute éclate et Frank finit par quitter les lieux – non sans avoir aperçu, interloqué, son amie sortant au bras d'un autre. La naïve jeune femme a en effet accepté un rendez-vous avec un artiste peintre qui cherche à la séduire. Affable, l'homme fait monter Alice jusqu'à son studio et lui propose de poser pour lui, avant de se faire menaçant et de tenter de la violer. Pour se défendre, la jeune femme saisit un couteau et le tue, puis s'enfuit, hagarde, dans la nuit londonienne. Le lendemain, c'est Frank lui-même qui sera dépêché pour enquêter sur ce qui apparaît comme un terrible meurtre : reconnaissant aussitôt la victime, il ne tarde pas à comprendre que sa fiancée était présente sur les lieux du crime…

Psyché troublée
L'un de premiers grands films de la période anglaise d'Alfred Hitchcock, Chantage, adapté d'une pièce de théâtre à succès, a aussi donné lieu à ses premières expérimentations avec le cinéma parlant. Le réalisateur d'alors 29 ans en a signé deux versions simultanées, dont la muette, présentée ici, fut la plus vue et la plus acclamée, de nombreuses salles de projection n'étant pas encore équipées, en 1929, pour la technologie nouvelle des talkies. Dans ce thriller vif et rythmé se trouvent en germe de nombreux éléments de la grammaire hitchcockienne : art consommé du montage, jeu sur les motifs, touche d'humour noir et plongée dans la psyché troublée du personnage principal – avec cette séquence presque expressionniste où l'héroïne, errant dans les rues sous le choc, voit dans chaque bras tendu autour d'elle celui, inerte, de l'homme qu'elle a tué. Sans oublier l'étonnante course-poursuite finale dans le British Museum, qui annonce le goût du maître du suspense pour les dénouements "monumentaux"… L'œuvre bénéficie d'une restauration numérique et d'une nouvelle partition signée Moritz Eggert, où l'on verra surgir quelques clins d'œil aux BO mythiques de sa filmographie.