ARTE ReportageDans l’étau des deux Corée / Turquie-Arménie
53 min
- Version française
Rattachée à la Corée du Sud, l’île de Yeonpyeong vit au rythme des tensions entre Pyongyang et Séoul / Entre la Turquie et l’Arménie, les vestiges de la cité médiévale Ani accentuent les tensions mémorielles entre les deux pays.
Yeonpyeong : dans l’étau des deux Corée
À quelques kilomètres seulement des côtes de la Corée du Nord, les îles sud-coréennes de Yeonpyong et Baeknyeongdo vivent au rythme des tensions qui agitent les deux voisins. En janvier 2024, 60 obus avaient été tirés par le Nord, provoquant l’évacuation de Yeongpyeong. Ces îles vivent essentiellement de la pêche, une pratique rendue difficile dans une zone frontalière très surveillée. Chaque chalutier local doit composer avec les bâtiments militaires sud-coréens qu’ils croisent à chaque sortie. Une autre source de revenus est apparue ces dernières années. Des touristes viennent du continent pour visiter les quartiers récemment bombardés, et découvrent un territoire ultra militarisé, entre patrouilles régulières de soldats, bunkers et tours d’observation. Mais les habitants de ces îles vivent aussi avec des blessures plus anciennes que les récents bombardements. Dans les années 60 et 70, des pêcheurs locaux sont enlevés par la Corée du Nord, avant d’être finalement relâchés. Ils sont considérés à leur retour comme des traîtres, un stigmate que leurs familles portent encore aujourd’hui, et dont elles demandent réparation. En attendant une paix qui semble s’éloigner un peu plus chaque jour.
Turquie-Arménie : la paix des ruines ?
À l’extrémité orientale de la Turquie, à la frontière avec l’Arménie, le site archéologique d’Ani a toujours été un enjeu mémoriel pour les deux pays dont la relation conflictuelle reste marquée par le génocide des Arméniens à partir de 1915. En cet été 2024, le gouvernement turc a lancé une nouvelle campagne de fouilles archéologiques au milieu des ruines du Xe siècle, situées sur un haut plateau inhospitalier et battu par les vents. Si la Turquie ne conteste pas l’identité originelle de la cité médiévale, construite par les Arméniens chrétiens, l’Etat turc du président Erdogan y ajoute une connotation religieuse par la mise en avant d’une mosquée présente sur le site, qui serait la première d’Anatolie. L’identité musulmane de la Turquie avait déjà été affirmée de façon spectaculaire en 2020, par la conversion de la basilique Sainte-Sophie, à Istanbul, en mosquée. Malgré l’autoritarisme de la Turquie d’Erdogan, qui a emprisonné à vie Osman Kavala, mécène d’une application mobile consacrée au site d’Ani et partisan historique d’un dialogue entre la Turquie et l’Arménie, certains Turcs refusent cette dérive et le disent. Par exemple, cet architecte qui restaure une église chrétienne sur le site d’Ani, dénonce les mensonges au sujet de la mosquée, ou encore ce haut fonctionnaire à la retraite qui se désole de la conversion des églises arméniennes en mosquées, comme dans la ville de Kars, à quelques kilomètres d’Ani. S’il y a un point sur lequel les populations des deux pays se retrouvent, c’est pour réclamer l’ouverture de la frontière terrestre entre la Turquie et l’Arménie, fermée depuis 1993. En attendant, les villes voisines de Kars, en Turquie, et Gyumri, en Arménie, sont chacune dans un cul-de-sac peu propice à leur développement. Et du côté arménien, on dénonce l’islamisation des sites religieux arméniens par la Turquie du président Erdogan. Le conflit du Karabagh n’a pas arrangé les choses : aujourd’hui, la relation entre les deux pays est au point mort. La restauration de la cité d'Ani, classée depuis 2016 au patrimoine mondial de l'Unesco, jetterait pourtant une passerelle entre les deux pays, contribuant à normaliser leurs relations difficiles.
À quelques kilomètres seulement des côtes de la Corée du Nord, les îles sud-coréennes de Yeonpyong et Baeknyeongdo vivent au rythme des tensions qui agitent les deux voisins. En janvier 2024, 60 obus avaient été tirés par le Nord, provoquant l’évacuation de Yeongpyeong. Ces îles vivent essentiellement de la pêche, une pratique rendue difficile dans une zone frontalière très surveillée. Chaque chalutier local doit composer avec les bâtiments militaires sud-coréens qu’ils croisent à chaque sortie. Une autre source de revenus est apparue ces dernières années. Des touristes viennent du continent pour visiter les quartiers récemment bombardés, et découvrent un territoire ultra militarisé, entre patrouilles régulières de soldats, bunkers et tours d’observation. Mais les habitants de ces îles vivent aussi avec des blessures plus anciennes que les récents bombardements. Dans les années 60 et 70, des pêcheurs locaux sont enlevés par la Corée du Nord, avant d’être finalement relâchés. Ils sont considérés à leur retour comme des traîtres, un stigmate que leurs familles portent encore aujourd’hui, et dont elles demandent réparation. En attendant une paix qui semble s’éloigner un peu plus chaque jour.
Turquie-Arménie : la paix des ruines ?
À l’extrémité orientale de la Turquie, à la frontière avec l’Arménie, le site archéologique d’Ani a toujours été un enjeu mémoriel pour les deux pays dont la relation conflictuelle reste marquée par le génocide des Arméniens à partir de 1915. En cet été 2024, le gouvernement turc a lancé une nouvelle campagne de fouilles archéologiques au milieu des ruines du Xe siècle, situées sur un haut plateau inhospitalier et battu par les vents. Si la Turquie ne conteste pas l’identité originelle de la cité médiévale, construite par les Arméniens chrétiens, l’Etat turc du président Erdogan y ajoute une connotation religieuse par la mise en avant d’une mosquée présente sur le site, qui serait la première d’Anatolie. L’identité musulmane de la Turquie avait déjà été affirmée de façon spectaculaire en 2020, par la conversion de la basilique Sainte-Sophie, à Istanbul, en mosquée. Malgré l’autoritarisme de la Turquie d’Erdogan, qui a emprisonné à vie Osman Kavala, mécène d’une application mobile consacrée au site d’Ani et partisan historique d’un dialogue entre la Turquie et l’Arménie, certains Turcs refusent cette dérive et le disent. Par exemple, cet architecte qui restaure une église chrétienne sur le site d’Ani, dénonce les mensonges au sujet de la mosquée, ou encore ce haut fonctionnaire à la retraite qui se désole de la conversion des églises arméniennes en mosquées, comme dans la ville de Kars, à quelques kilomètres d’Ani. S’il y a un point sur lequel les populations des deux pays se retrouvent, c’est pour réclamer l’ouverture de la frontière terrestre entre la Turquie et l’Arménie, fermée depuis 1993. En attendant, les villes voisines de Kars, en Turquie, et Gyumri, en Arménie, sont chacune dans un cul-de-sac peu propice à leur développement. Et du côté arménien, on dénonce l’islamisation des sites religieux arméniens par la Turquie du président Erdogan. Le conflit du Karabagh n’a pas arrangé les choses : aujourd’hui, la relation entre les deux pays est au point mort. La restauration de la cité d'Ani, classée depuis 2016 au patrimoine mondial de l'Unesco, jetterait pourtant une passerelle entre les deux pays, contribuant à normaliser leurs relations difficiles.
Pays
France
Année
2024