En mai 2023, l’Ouganda a adopté l’une des lois les plus dures au monde contre les personnes LGBTQ+ : la “Loi Anti-Homosexualité 2023.” Cette loi prévoit la prison à vie et même la peine de mort dans certains cas. Elle pénalise également les personnes et organisations qui défendent les droits des minorités sexuelles en Ouganda. Depuis, les violences à l’encontre des personnes LGBTQ+, visées en raison de leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, ont quadruplé en 1 an.
En nous penchant sur cette loi, nous avons découvert l’existence d’une organisation américaine au discours ultra conservateur et homophobe, qui a l’oreille des dirigeants ougandais : Family Watch International. Cette ONG, fondée en 1999 en Arizona, a développé au cours de ces dernières décennies un réseau d’influence conséquent, principalement en Afrique. Parmi ses combats : la lutte contre “les soi-disants droits LGBT”, l’éducation sexuelle dans les écoles ou encore l’avortement.
Nous avons voulu notamment comparer son discours public, qui condamne “toute violences à l’encontre de personnes ressentant des attractions homosexuelles”, à la réalité de ses actions et prises de position.
Nous sommes partis d’une communication officielle de Family Watch Internationale sur son site internet, qui adresse différentes allégations à son encontre au sujet de ses liens avec le pouvoir ougandais et nous avons entrepris de vérifier ces déclarations.
Conférence interparlementaire sur la famille et les valeurs africaines
La première étant au sujet de son implication dans une conférence qui s’est déroulé fin mars 2023 en Ouganda, une dizaine de jours seulement après le vote de la Loi Anti-Homosexualité par le parlement ougandais. Cette dernière, baptisée “Conférence interparlementaire sur la famille et les valeurs africaines”, réunissait des élus de 22 pays africains, ainsi que plusieurs représentants de Family Watch International.
Lors de cet événement, plusieurs discours homophobes ont été tenus. Family Watch International a déclaré “n’avoir pas été en charge” de cette conférence, mais avait “participé au développement [de son] programme.” Nous avons alors collecté des vidéos, audios et documents au sujet de cet événement, à la fois en source ouverte et grâce à des sources locales pour les présentations fermées au public. En analysant chacun des fichiers à notre disposition, nous avons découvert que l’organisation et sa présidente étaient omniprésentes lors de cette conférence. Elle y a notamment proposé des “législations modèles” sur lesquels pouvaient se baser les élus africains présents et distribué son livre, “Stand For the Family”. Ce livre est présenté comme un “manuel de défense de la famille”, comprenant de nombreux conseils et éléments de langage à l’attention notamment des “législateurs” et “décideurs politiques.”
2007
Sur son site, l’organisation se défend également de soutenir “toute législation qui pénalise une personne pour ses attirances sexuelles envers le même sexe ou pour son identité de genre” ainsi que les “peines sévères” à l’encontre des personnes LGBTQ+. Afin d’avoir une idée de ce que l’organisation prône réellement depuis plus de 10 ans, nous avons voulu retrouvé d’anciennes communications, devenues inaccessibles sur le site.
Sur le compte X de Sharon Slater (“@Slater4Families”), désormais inactif, nous avons retrouvé un tweet, datant de juillet 2010 (https://x.com/slater4families/status/18639113631)
lien qui semblait correspondre à celui d’une newsletter
Nous avons retrouvé un URL dirigeant vers une ancienne newsletter de Family Watch International sur le site d'archivage de pages internet, “Wayback Machine.” Malgré son archivage, cette dernière n’était plus accessible et nous redirigeait directement vers une erreur 404. Alors, nous avons repris l’URL et remplacé l’adresse du site indiqué dans Wayback Machine (familywatchinternational.org) par l’adresse actuelle du site (familywatch.org.) Puis nous avons modifié l’extension de la page, passant d’une adresse en .html en .cfm, puis en modifiant l’extension de la page (.html vers .csm), nous avons pu lire cette newsletter. Nous avons alors joué sur les derniers chiffres de l’URL, en partant du principe que ces newsletters se suivaient. Nous avons alors retrouvé des centaines d’autres newsletter et mails de Family Watch International, envoyés à ses soutiens entre 2007 et 2014.
Dans l’une d’entre elles, nous avons découvert que Sharon Slater avait lancé une mobilisation en ligne pour que l’Ouganda puisse maintenir sa loi initiale contre l’homosexualité en 2007. Cette dernière prévoyait déjà la prison à vie pour toute personne engageant dans des activités “contre l’ordre naturel.”
Bibliographie:
Despite Denials, Harsh Anti-LGBTQ+ law in Uganda Appears to Be Based on U.S. Rhetoric and Pseudoscience
Activists link US nonprofit to anti-LGBTQ laws in Africa. The group says it’s only promoting ‘family values’
Pulling Back the Cover: The Roots, Relationships and Rise of Family Watch International
Human Rights Violations against LGBBTIQ Ugandan citizens